Après des années de réduction constante, les progrès faits en France sur le chômage des jeunes sont à nouveau menacés, cette fois par la pandémie de Covid-19.
Si le nombre de jeunes qui travaillent, étudient ou suivent une formation est plus élevé aujourd’hui qu’avant le début de la pandémie, il y a de bonnes raisons d’être prudent : suite à la crise financière de 2007-2008, le chômage des jeunes n’avait atteint son point culminant qu’en 2015.
Le potentiel des programmes de soutien à l’emploi des jeunes
C’est dans ce contexte que le gouvernement français a mis l’emploi des jeunes au cœur de son plan de relance et a notamment alloué des fonds importants au renforcement des programmes d’insertion professionnelle.
Bien que ces programmes se présentent sous différentes formes, la plupart mettent les jeunes en relation avec un conseiller, qui les aide à rechercher des opportunités de formation ou d’emploi. Nombre d’entre eux leur donnent également accès à des ateliers pour améliorer leurs compétences professionnelles.
Dans certains cas, les résultats produits par ces accompagnements sont frappants. Une évaluation récente de l’initiative américaine Year Up, qui offre une formation à temps plein de douze mois à des jeunes issus de milieux défavorisés, a montré que les participants gagnent 30 à 40 % de plus que leurs homologues cinq ans après avoir quitté le programme.
En France, le succès de la Garantie Jeunes, un programme de soutien intensif d’une durée d’un an, a conduit le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse à demander la généralisation du programme à tous les jeunes en difficulté financière.
Mais ces résultats sont l’exception plutôt que la règle : les méta-évaluations ont montré qu’en moyenne, les programmes d’aide aux jeunes ont un faible impact sur l’emploi par rapport à leur coût.
Mon Parcours Pro: une étude pilote avec des implications plus larges
Qu’est-ce qui distingue donc un programme efficace d’un programme aux effets limités ?
L’une des réponses est la façon dont ils sont administrés sur le terrain. Des recherches menées par le BIT ont montré par exemple que la qualité des interactions quotidiennes entre les demandeurs d’emploi et les services qui les accompagnent peut avoir un impact significatif sur l’engagement dans la recherche d’emploi et le taux de retour à l’emploi.
Depuis janvier 2020, nous travaillons avec la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP), la Mission Locale de Paris, la Mission Locale d’Ivry-Vitry, et le Ministère du Travail sur un projet visant justement à identifier des moyens pour que les jeunes tirent le meilleur parti de l’accompagnement des missions locales.
Chaque année, 440 Missions Locales accompagne 1,3 million de jeunes dans leur recherche de formation et d’emploi. Au printemps 2021, nous piloterons un nouvel outil numérique avec la Mission Locale de Paris.
Cet outil – Mon Parcours Pro – vise à aider les jeunes à prioriser leurs activités, à rester motivés dans leur recherche d’emploi et à maintenir un dialogue régulier avec leur conseiller.
Mon Parcours Pro est le résultat de huit mois de recherche menée avec la DITP sur les raisons pour lesquelles les jeunes abandonnent parfois les programmes d’insertion professionnelle (les conclusions de ces recherches sont résumées ici).
Il s’agit d’une application web qui accompagnera les jeunes du début de leur parcours avec la Mission Locale jusqu’à leur entrée en formation ou en emploi.
Si l’outil comporte de nombreuses fonctionnalités, l’application s’articule autour de trois leviers comportementaux clés, qui, selon nous, pourraient avoir des implications plus larges pour la conception de programmes de lutte contre le chômage des jeunes :
- La segmentation peut aider à combler le fossé entre un objectif global et un plan pratique. L’un des aspects complexes de la conception des programmes de soutien
aux jeunes consiste à aider les jeunes à traduire leurs objectifs en une série de démarches concrètes et réalisables. Sans soutien, les jeunes peuvent avoir du mal à transformer leur vision en un plan, se décourager dans leur recherche et, finalement, abandonner complètement le programme de soutien.Mon Parcours Pro tentera d’y remédier en aidant les jeunes à construire et à visualiser leur parcours vers l’emploi ou la formation, du début à la fin. L’outil permettra aux jeunes de décomposer leur objectif à long terme en étapes, objectifs et activités distincts et gérables. - Le sentiment d’efficacité personnelle est essentiel pour l’engagement. Les participants aux programmesd’accompagnement trouvent parfois que l’accent est mis sur les qualifications ou les expériences qui leur manquent, plutôt que sur celles qu’ils possèdent. Cela peut aggraver un manque de sentiment d’efficacité personnelle ou de confiance en eux hérité de leur manque d’expérience en matière de recherche d’emploi, ou de mauvaises expériences passées avec les institutions publiques.Mon Parcours Pro cherchera à changer cette dynamique en permettant aux jeunes de créer et de réaliser des tâches simples, de visualiser leurs progrès et de célébrer leurs accomplissements. Un système de réalisations récompensera les jeunes pour certains exploits, et les conseillers pourront leur envoyer des félicitations personnalisées lorsqu’ils progresseront.
- Les rappels opportuns et la planification peuvent aider les jeunes à tenir leurs engagements et à ne pas perdre le fil de leur recherche d’emploi. De nombreux jeunes inscrits à des programmes d’aide à l’emploi doivent en effet faire face à de multiples demandes simultanées, depuis leurs responsabilités familiales à des besoins d’accès au logement, aux services de santé, etc. Combiné à un manque d’habitude des routines associées à l’emploi, cela signifie que certains jeunes peuvent oublier les réunions et les ateliers, ou perdre le fil des activités planifiées.Mon Parcours Pro aidera les jeunes à garder le contrôle sur leur parcours, en encourageant les utilisateurs à planifier quand, où et comment ils accompliront leurs tâches. Les jeunes pourront recevoir des rappels et des notifications concernant leurs activités, les ateliers auxquels ils se sont inscrits et leurs rendez-vous avec leurs conseillers. Ces fonctionnalités s’inscrivent dans le prolongement de notre travail avec les Job centres britanniques, qui a aidé de nombreuses personnes à réintégrer le marché du travail.
Nous allons piloter Mon Parcours Pro au printemps et nous espérons partager nos conclusions à l’automne.
Le rapport de diagnostic de ce projet est disponible sur le site de la DITP, ici. Si vous souhaitez discuter davantage de ce travail, veuillez contacter tom.mcminigal@bi.team pour plus d’informations.