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  • 17th Dec 2020

Vaccin anti-covid: quelles leçons peut-on tirer d’une expérimentation en EHPAD?

Les annonces de vaccins efficaces se sont enchaînées ces dernières semaines, nous permettant à tous de voir enfin une lumière à la fin du tunnel. 

La France, comme beaucoup d’autres pays, se prépare donc à administrer les vaccins anti-covid dès janvier 2021. On le sait déjà – les doses vont arriver au compte-goutte, au moins au début de la campagne vaccinale; une priorisation est donc nécessaire.

La Haute Autorité de Santé a suggéré une campagne vaccinale en cinq phases, la première phase consistant notamment à vacciner les résidents et le personnel d’EHPAD.

Ce choix, qui réplique en partie les choix de priorisation faits chaque année pour les campagnes de vaccination antigrippale, s’explique par le besoin de vacciner en priorité les populations affectées le plus gravement par le virus. Néanmoins, cela suppose que ces populations accepteront de se faire vacciner. Hors, selon un sondage Ipsos, plus de la moitié des Français n’ont pas l’intention de se faire vacciner contre le Covid-19, alors que Santé publique France estimait en 2019 que le taux de vaccination antigrippale n’était que de 32% chez les personnels de santé travaillant en EHPAD. 

Dans le cadre d’une mission avec la Direction Interministérielle de la Transformation Publique, nous travaillons actuellement avec Santé publique France et le Ministère des Solidarités et de la Santé sur un projet visant à identifier et soulever certains freins à la vaccination antigrippale dans les EHPAD. Alors que nous pilotons les solutions proposées en ce moment même, nous avons appris plusieurs leçons qui nous semblent importantes à partager, car applicables à la campagne de vaccination anti-covid: 

1. Inclure tous les professionnels dans la campagne de vaccination

Nous comprenons que dans le plan tel qu’il est formulé actuellement pour les EHPAD, seuls les résidents et les personnes vulnérables y travaillant recevront un accès prioritaire à la vaccination anti-covid. Il nous paraît important, lorsque le vaccin sera disponible, d’inclure tous les personnels, quel que soit leur corps de métier (soignant, administratif, technique) et leur vulnérabilité à des formes graves du Covid-19. En effet, inclure tous les professionnels permettra non seulement de simplifier la compréhension et l’organisation de la campagne, mais aussi de reconnaître et valoriser le travail d’équipe colossal qui se fait depuis le début de cette pandémie.

2. Trop d’information tue l’information

Nos recherches ont montré que de nombreuses incertitudes persistent, même parmi les soignants, autour de l’efficacité et de la sûreté des vaccins antigrippaux – et on sait déjà qu’il va en être de même pour les vaccins anti-covid. Fournir une information claire, basée sur des preuves scientifiques, est donc bien sûr un prérequis. 

Mais en travaillant au plus près des directeurs d’EHPAD, il est devenu clair qu’ils reçoivent une très grande quantité d’information, venant de l’Assurance Maladie, des ARS, de leurs fédérations, du Ministère de la Santé et de bien d’autres acteurs, sans compter bien sûr ce qu’ils voient dans les médias. Compte tenu de l’importance du sujet, il est naturel de voir une telle mobilisation. Mais face à cette montagne d’informations, les responsables d’EHPAD et leurs équipes ne savent parfois plus où donner de la tête, au risque d’ignorer certaines informations complètement, ou de ne se focaliser que sur ce qui confirme ce qu’ils pensaient déjà. 

Il nous semble donc important d’engager un réel effort de coordination entre les différents acteurs pour créer des communications simples et cohérentes pour cette campagne, si possible portées par un seul acteur ou groupe d’acteurs. 

Les sciences comportementales offrent des clés pour rendre cette campagne simple, attrayante, sociale et opportune. Avant de lancer cette campagne vaccinale, reste donc non seulement à tester quels messages sont les plus convaincants mais aussi à se demander: À qui les Français font-ils le plus confiance?; Quels acteurs sont-ils plus amenés à écouter?; Quelles plateformes d’information privilégient-ils? 

3. L’accès à la vaccination doit avant tout être aussi simple que possible 

Au-delà des campagnes d’information, la littérature et les experts s’accordent sur un point : l’accès au vaccin doit être simplifié le plus possible. En effet, même lorsque les individus reconnaissent la nécessité de se faire vacciner et ne la rejettent pas, nombreux sont ceux qui ne se font en fin de compte pas vacciner – par manque de temps, d’énergie, ou parce que les obstacles à surmonter demandent trop d’efforts. 

Pour dépasser cet écart entre l’intention et l’action, l’essentiel est de rendre la vaccination aussi simple et peu onéreuse que possible: pour les personnels travaillant en EHPAD, cela peut par exemple prendre la forme de campagnes de vaccination gratuite, sur le lieu de travail, pendant les heures de travail, et à une heure pré-organisée par les responsables d’établissement. L’effort et l’investissement à fournir par des personnels déjà éreintés par la crise serait alors réduit au minimum. 

Ce type d’effort de planification a un autre avantage: en maîtrisant le jour et l’heure auxquels chacun se fait vacciner, il est alors plus simple de gérer les stocks en évitant les déceptions liées aux stocks épuisés (que nous n’avons observées que trop souvent dans le cadre de la vaccination grippale, et qui risquent de réduire encore la probabilité que quelqu’un se fasse vacciner).

4. Les sciences comportementales offrent ensuite des leviers additionnels pour encourager la vaccination 

Au BIT, nous travaillons depuis plusieurs années sur les barrières à la vaccination, dans le monde, ou en France plus spécifiquement dans les EHPAD. Ces travaux, ainsi que ceux d’autres chercheurs en sciences du comportement, ont permis d’identifier des leviers supplémentaires  afin de créer une émulation autour de la vaccination. Il a été suggéré notamment de rendre la vaccination visible en donnant un badge à ceux qui se sont fait vacciner ou en les incitant à partager leur action sur les réseaux sociaux ; ou encore de mettre en place des solutions pour faire de la vaccination l’option par défaut.

Source: https://www.francetvinfo.fr/

Nos travaux dans les EHPAD de la Nouvelle-Aquitaine ont également suggéré que la réciprocité (notre tendance à vouloir répondre à des comportements positifs par d’autres comportements positifs) pourrait être un levier prometteur. En effet, de simples remerciements peuvent favoriser l’adoption d’un comportement prosocial, comme celui de faire un don à une œuvre caritative. Des messages rédigés par les résidents pour remercier par avance les personnels de se faire vacciner pourraient donc par exemple être efficaces. Les directeurs d’EHPAD avec lesquels nous avons interagi ont apprécié cette intervention, qui permettrait selon eux de cultiver la confiance entre les résidents et le personnel.

Et au-delà des EHPAD? 

Ces leçons s’étendent évidemment au-delà des EHPAD. Les sciences comportementales ont un rôle crucial à jouer pour nous aider à en finir avec le Covid-19, que ce soit en soutenant la planification de la campagne vaccinale, ou en créant des messages et incitations pour encourager la vaccination. Grâce à notre plateforme d’expérimentation en ligne, Predictiv, nous avons par exemple déjà commencé à tester plusieurs messages encourageant les individus à se faire vacciner aux États-Unis. 

Si vous souhaitez en savoir plus, ou potentiellement collaborer avec nous dans cette nouvelle étape de lutte contre la pandémie, veuillez contacter le BIT ou l’équipe sciences comportementales de la DITP

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