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  • 18th Mar 2024

L’entretien prénatal précoce, une étape clé du parcours de grossesse encore trop peu exploitée

L’Entretien Prénatal Précoce (EPP) est le premier moment clé du « parcours des 1000 premiers jours » de l’enfant. Il s’agit d’un moment d’écoute et de partage, entre la femme enceinte ou le couple et un professionnel de santé (sage-femme, gynécologue ou médecin généraliste). Il permet aux futurs parents de mieux comprendre toutes les étapes de la grossesse et au professionnel, d’évaluer leurs besoins d’accompagnement (ex. adaptation du suivi de grossesse aux besoins évoqués, orientation vers un professionnel susceptible d’apporter une aide supplémentaire pour le suivi ou le futur enfant) — tant en termes de suivi psychologique et émotionnel, que social. Cette consultation est obligatoire pour toutes les femmes enceintes depuis mai 2020 et prise en charge à 100% par l’assurance maladie. 

Pourtant, la dernière Enquête Nationale Périnatale (2021) révèle que seules 36,5% des femmes déclarent avoir bénéficié d’un EPP en métropole, et 35,1% en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).

Pour mieux comprendre les freins autour de sa réalisation, et développer des solutions pour l’encourager, nous avons mené, en collaboration avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) PACA et le Réseau de Périnatalité PACA – Corse – Monaco (le Réseau Méditerranée), une étude qualitative incluant des femmes enceintes ou ayant récemment accouché, ainsi que de professionnels de santé : sages-femmes, gynécologues et médecins généralistes en région PACA. 

Pourquoi le taux de réalisation de l’EPP n’est-il pas plus élevé ? 

1) La consultation est difficile à identifier pour les femmes enceintes 

La plupart des femmes de l’étude ne connaissaient pas l’EPP, et ce, malgré les documents qu’elles reçoivent et qui le mentionnent (ex. courrier de l’assurance maladie, carnet de grossesse). En l’absence d’explication de la consultation par un professionnel de santé, les femmes enceintes ne l’identifient pas comme une étape clé dans leur parcours de grossesse, déjà complexe. 

Le nom d’ « entretien prénatal précoce » est abstrait pour beaucoup et difficile à comprendre, notamment le terme « précoce » qui peut faire penser à un accouchement précoce, et le terme « entretien » qui peut paraitre, pour certaines, intimidant.  

“Je ne me suis pas concentrée dessus forcément [sur l’entretien prénatal précoce]. Je me suis dit “précoce”, j’ai toujours accouché à mon terme, donc je ne me suis pas mise en tête que j’allais accoucher avant l’heure.” – Femme ayant récemment accouché

En plus de ne pas comprendre intuitivement le nom de la consultation ou de ne pas se sentir concernées, les femmes ont du mal à comprendre en quoi ce rendez-vous va consister et ce qui peut en découler, ce qui peut s’avérer bloquant au moment de prendre la décision de prendre rendez-vous.

2) Les bénéfices de l’EPP ne sont pas clairement assimilés par les femmes enceintes

Certaines femmes enceintes ont tendance à déprioriser ce rendez-vous, car elles ne perçoivent pas clairement les avantages à le réaliser. L’approche, centrée autour de l’écoute est appréciée, mais cette consultation peut être vue (consciemment ou inconsciemment), comme moins essentielle que les actes médicaux. Le fait d’avoir un rendez-vous pour « parler » est généralement associé à la santé mentale, qui est encore souvent dépriorisée face aux enjeux de santé physique. Les bénéfices à tirer pour elles d’une simple conversation leur paraissent vagues, y compris pour celles ayant réalisé l’entretien. Les bénéfices éventuels pour leur(s) bébé(s) sont par ailleurs encore plus difficilement identifiés. 

En conséquence, lorsque les femmes enceintes doivent prioriser entre les consultations (ex. pour cause de manque de temps), l’EPP est celle qu’elles pourraient avoir tendance à ne pas effectuer.

“Se libérer pour faire des prises de sang, des examens, ça peut être compliqué si on travaille toujours. Du coup, j’imagine qu’un entretien où on ne fait que parler, entre guillemets, si pour une femme qui travaille c’est compliqué pour elle de se libérer, je pense que c’est typiquement ce genre d’examen pour lequel elle va dire “c’est pas obligatoire”. – Femme ayant récemment accouché

3) Et les bénéfices de l’EPP ne sont pas toujours identifiés par les professionnels de santé non plus

Lorsque l’EPP est introduit et proposé par un professionnel de santé, la grande majorité des femmes enceintes sont enclines à le réaliser. Toutefois, d’après notre étude, tous les professionnels de santé ne le présentent pas de manière systématique. Cela semble être particulièrement le cas chez les gynécologues et les médecins généralistes, qui peuvent être moins convaincus des avantages à le réaliser. 

Le manque de conviction chez ces derniers peut s’expliquer par:

  • une méconnaissance de l’EPP, peu abordé dans les formations initiales des professionnels de santé ;
  • un manque de visibilité des bénéfices, notamment dû au peu de retours (positifs) de leurs patientes sur ce rendez-vous. 

Comment encourager les femmes enceintes à réaliser l’EPP ? 

1) Clarifier ce qu’est l’EPP 

Il nous parait particulièrement important que les professionnels expliquent systématiquement en quoi la consultation de l’EPP consiste et qu’elle s’adresse à toutes les femmes, sans exception. En expliquer le nom et détailler le déroulé de l’entretien permettra de lever les possibles doutes et appréhensions liés à la dénomination de ce rendez-vous et pouvant entraver sa réalisation. 

2) Mettre davantage en avant les avantages à réaliser l’EPP

Rendre les bénéfices à réaliser l’EPP plus visibles et évidents semble aussi primordial, tant auprès des femmes enceintes, qu’auprès des professionnels de santé. Expliquer en quoi ce rendez-vous est important et bénéfique pour les futurs parents et leur(s) bébé(s) apparait capital, la santé de ces derniers étant souvent le sujet de préoccupation principal des futurs parents. 

Personnaliser les avantages, en fonction du profil de la femme ou du couple, de leurs besoins et attentes, particulièrement selon si c’est une première grossesse ou non, serait également un bon moyen pour créer davantage de conviction autour de l’EPP. 

3) Fluidifier au maximum le parcours de réalisation de l’EPP

Donner envie aux femmes d’effectuer cette consultation est essentiel, mais ne s’avèrera pas toujours suffisant. Il faudrait par ailleurs faciliter au maximum la prise de rendez-vous, les femmes enceintes ayant une charge mentale importante autour de leur suivi de grossesse, et devant se souvenir de planifier et se rendre à tous les rendez-vous associés.  

Encourager la planification de ce rendez-vous aux bons moments (ex. lors de la présentation du parcours de grossesse, peu avant sa fenêtre optimale de réalisation en fin du troisième mois de grossesse, puis sous forme de rappels si le rendez-vous n’a pas été pris), indiquer clairement où et avec qui il peut être réalisé, voire fournir un lien direct pour la prise de rendez-vous, sont autant de manières d’éviter que toute friction, même minime, vienne faire obstacle au passage à l’action. 

Une autre piste intéressante serait de proposer des modalités variées de réalisation de l’EPP. Par exemple, en offrant la possibilité, dans la mesure du possible, d’effectuer le rendez-vous à distance ou, en privilégiant « l’aller vers », notamment pour atteindre les femmes plus éloignées du système de soins, avec des professionnels qui se rendraient dans des lieux de vie fréquentés par des femmes enceintes, comme en organisant des permanences dans les caisses d’allocation familiales (CAF). 

Des pratiques non homogènes pouvant impacter la qualité des EPP délivrés

La qualité des EPP est un facteur clé susceptible d’encourager, ou au contraire, de freiner leur réalisation. Il est donc nécessaire que la consultation réalisée se révèle à la hauteur des attentes des futurs parents (lorsqu’ils en ont). Or, notre étude a mis en avant que les pratiques de conduite de ces entretiens pouvaient grandement varier d’un professionnel de santé à l’autre, entrainant des consultations de qualité inégale. 

“Mon amie m’avait dit que c’était horrible, très interrogatoire [l’EPP]. Elle me l’a très mal vendu. (…) Je lui ai dit que moi c’était pas du tout ça. On [son conjoint et elle] a vraiment pu s’approprier ce lieu, elle [la sage-femme] nous a laissé gérer le rendez-vous et utiliser l’espace.” – Femme ayant récemment accouché

En particulier, les objectifs associés à l’EPP étant nombreux, il apparait difficile pour les professionnels de santé, voire impossible, de tous les atteindre au cours d’une consultation unique. Chacun privilégie certaines postures et thématiques, orientant souvent la direction que les discussions prennent, ce qui entraine des EPP très disparates et de qualité variable. Pour certains professionnels de santé (en particulier les médecins), l’EPP est plutôt considéré comme une consultation de dépistage des risques médico-psychosociaux, tandis que pour d’autres (en particulier les sages-femmes), il s’agit davantage d’une consultation d’information et d’élaboration d’un projet de naissance personnalisé

Bien que tous les EPP se doivent d’être différents, car personnalisés, la question d’homogénéiser davantage les pratiques pour mieux gérer les attentes des futurs parents et garantir une qualité plus systématique peut se poser : faut-il en prioriser les objectifs ? Proposer des outils plus uniformes pour guider leur réalisation ? 

Sur la base des enseignements ressortis de cette étude, dont seulement une partie est présentée ici, des pistes d’interventions en vue d’encourager la réalisation de l’EPP dans la région PACA sont en train d’être explorées avec l’ARS Paca et le Réseau Méditerranée. Les plus prometteuses feront l’objet d’une évaluation pilote dans les mois à venir. 

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’étude, n’hésitez pas à nous contacter

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